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L’espace méditerranéen : interface ou rupture nord/sud ?

   

L’espace méditerranéen : interface ou rupture nord/sud ?

L’espace méditerranéen est organisé autour d’une mer elle-même divisée en plusieurs ensembles (adriatique, ionienne, Egée ; on peut adjoindre la mer Noire) et ouverte sur 2 accès maritimes étroits et stratégiques: à l’Ouest le détroit de Gibraltar (anciennes « colonnes d’Hercule ») et au sud-est, le canal de Suez (1869, Ferdinand de Lesseps) qui communique avec la mer Rouge. Littéralement « mer au milieu des terres », la Méditerranée 2,5 millions dekm2) est une mer presque fermée, située entre une zone climatique tempérée au nord et une zone climatique semi-aride. Le marnage (différence entre marée haute et basse), est faible. D’est en ouest, elle s’étend sur 3 750 kilomètres et du sud au nord, sa plus faible largeur est de 155 km entre la Tunisie et la Sicile. Lelittoral méditerranéen est souvent montagneux: Pyrénées, Alpes, Sierra Nevada (Espagne), Apennins (Italie), l’Atlas (Maghreb). Les aléas climatiques sont importants (sécheresses ; inondations), ainsi que les risques naturels majeurs. Le volcanisme est actif en Italie : l’Etna (Sicile), le Vésuve (Naples ; se souvenir de Pompéï et Herculanum), le Stomboli. Les séismes menacent la Turquie, la Grèce, l’Algérie, l’Italie.

Cet un espace culturellement riche (décor des aventures d’Ulysse), berceau de grandes civilisations (Mésopotamie, Égypte, civilisation gréco-romaine), de l’agriculture (VIIIe millénaire av. JC), de l’écriture (IVe millénaire av JC) et des trois grandes « religions du livre » à vocation universelle (Judaïsme, christianisme, islam). Si l’ensemble de cet espace a les caractéristiques du domaine bioclimatique méditerranéen (étés chauds et secs, hivers doux et automnes humides), on observe des différences : la rive nord est plus arrosée que la rive sud ; les rives libyennes et égyptiennes sont arides (Sahara). De part et d’autre de la méditerranée, les 25 Etats ont en commun l’olivier mais ils sont d’une grande diversité, ils ont entretenus de nombreuses relations, d’échanges ou de conflits (période coloniale et décolonisations). L’espace méditerranéen est donc une zone de clivage et de contact. Alors l’espace méditerranéen est-il vraiment une interface ou une ligne de clivage nord-sud ? Quelles relations entretiennent les États méditerranéens ? Des projets d’association euro méditerranéen ou d’union méditerranéenne sont-ils réalistes ?

I Un espace de clivages et de fractures.

a) Un carrefour de civilisations : cette région du monde a connu des périodes d’échange culturels : emprunts réciproques dans le domaine des sciences, de la philosophie, dans la méditerranée au XIIe siècle ; processus d’acculturation dans les pays de la rive sud pendant la période coloniale (Algérie annexée par exemple). Certains pays de la rive sud appartiennent aujourd’hui à la francophonie (Maroc, Algérie, Tunisie). Aujourd’hui encore les exemples d’échanges sont nombreux. Ex : festival « Méditerranéennes » d’ Argelès sur mer. On peut distinguer d’un point de vue culturel, un Nord et un Sud de la Méditerranée. Le christianisme est dominant au Nord, l’islam au Sud. Au Nord, les langues sont essentiellement indo-européennes, au Sud, elles sont majoritairement chamito-sémitiques. Cependant, il serait réducteur d’opposer simplement le nord au sud. Résultat du schisme de 1054, on peut distinguer une Europe méditerranéenne catholique d’une Europe méditerranéenne orthodoxe (plus chrétiens maronites au Liban et coptes en Egypte). Au sud, l’Islam n’est pas uniforme : 90 % de sunnites, mais aussi des chiites par ex. au Liban. Enfin en Turquie, la langue est ouralo-altaïque. On peut réaliser une typologie en distinguant 5 ensembles : Deux au Nord : l’ Arc occidental ; catholique et latin, et le monde gréco balkanique : orthodoxe mais marqué par la longue présence des turcs ottomans. (Présence d’un Islam autochtone en Europe ; ex en Albanie ou au Kosovo). Au Sud, il y a trois variantes d’une même civilisation cimentée par l’Islam : le Maghreb, le Proche-Orient, le monde Égyptien. Le français est parlé ou compris dans de nombreux pays en raison du passé colonial (Maroc, Algérie, Tunisie, Syrie, Liban); l’anglais est beaucoup utilisé (Égypte, Malte, Chypre, Israël, Gibraltar).

 

b) De grands écarts de développement : une opposition N-S : Les pays européens du nord de la méditerranée sont en moyenne plus développés que les pays du Sud, souvent restés à l’écart lors de la révolution industrielle. L’essentiel de la production pétrolière est issue de la péninsule arabique et de l’Iran. Même si la production semble modeste par rapport à l’échelle mondiale, certains territoires s’individualisent, comme le sud de l’Algérie ou encore la Libye. La proximité avec les grands marchés du nord (Espagne, Italie, France, Suisse, Allemagne) permet des exportations faciles (oléoducs, gazoducs, pétroliers ou méthaniers) vers les raffineries européennes, à partir des grands ports d’exportation algériens (Arzew) ou Libyens, vers Marseille, Trieste, Gênes, Tarente, Le Pirée, Izmit. Certains ports se sont spécialisés dans le trafic des conteneurs : Algerisas, Malte, Gioia Tauro (Italie), Marseille. Pour l’Algérie, la Libye et l’Egypte, le pétrole est devenu vital pour l’économie. Des industries de main d’œuvre se sont délocalisées vers le sud du bassin, comme le textile en Tunisie ou en Turquie.

Au Nord la transition démographique est terminée (natalité, mortalité et accroissement naturels faibles), au Sud, elle est encore svt en cours (fort accroissement naturel lié à un décalage dans le temps entre la baisse de la mortalité et celle de la natalité). Mais dans cette répartition nord-sud, il y a des exceptions : Israël est un pays développé sur la rive orientale de la méditerranée : IDH 0.905. Au Nord : suite aux conflits des années 90, les pays de l’ex-Yougoslavie ont accumulé des retards. Une distinction NO/SE plus pertinente : au NO , l’IDH est en moyenne supérieur à 0.8. Sur le versant sud et oriental, il est compris entre 0.5 et 0.8. Le sous-développement du Sud de l’espace méditerranéen est cpdt relatif. Aucun IDH n’est inférieur à 0.6. C'est-à-dire un IDH moyen. Dans le détail : au Nord : La Fce et l’Italie appartiennent au G8. Avec la Grèce, le Portugal et l’Espagne, elles appartiennent à l’UE, un des pôles de la triade. La crise de 2009 a néanmoins fragilisé la Grèce et l’Espagne. Au Sud, l’ouest maghrébin et l’Égypte connaissent une ébauche de développement en exploitant les hydrocarbures ou les ressources touristiques. Mais ces États connaissent certaines difficultés : croissance démographique encore rapide, structures rurales mal adaptées à une économie ouverte, inégalités sociales qui génèrent l’instabilité politique actuelle (effet domino après la « révolution de jasmin » en janvier 2011 et la chute de Moubarak en février 2011). La Turquie, candidate à l’entrée dans l’UE, située à la charnière de l’Europe et de l’Asie, occupe une place particulière.

c) Un espace de tensions géopolitiques : tensions entre Grèce et Turquie ; guerre en ex- Yougoslavie dans les années 90 (la Yougoslavie a éclaté en 7 États (accords de Dayton,1995) : Serbie et Monténégro, Kosovo, Croatie, Slovénie, Bosnie-Herzégovine, Macédoine) ; Chypre (peuplée à 80% de Grecs et à 17 % de Turcs, l’île est partagée depuis 1974), revendications nationalistes kurdes, nationalismes corses et basques, et surtout conflit israélo-palestinien depuis 1948. A ce conflit de territoire entre deux peuples et deux religions s’ajoute le partage inégal des ressources en eau qui deviennent un enjeu géostratégique capital (entre Israël, le Liban, la Jordanie et la Syrie au sujet du contrôle des eaux , du Yarmouk, du Jourdain et du plateau du Golan. Des tensions existent également entre la Turquie et la Syrie au sujet de l’utilisation des eaux du Tigre et de l’Euphrate). Face à l’augmentation de la population, les ressources en eau par habitant diminuent dans les pays de la rive sud du bassin. Noter également les tensions périodiques Maroc-Algérie-Mauritanie au sujet du Sahara occidental, ancienne colonie espagnole, l’existence de conflits frontaliers entre la Tunisie et la Libye. Le Proche Orient est une région très sensible (l’Irak et au cœur des relations internationales depuis le début des années 90, l’Iran est redouté des occidentaux depuis la révolution de 1979 et la question israélo-palestinienne fait peser de lourdes menaces sur la paix dans le monde depuis la fin des années 1940).

II Une zone d’échange

a) L’importance des flux migratoires : Plusieurs raisons peuvent expliquer le départ de population d’un territoire à un autre :trouver un travail, fuite de la misère, migrations forcées (guerres, motifs politiques). Souvent plusieurs causes sont mêlées. Ces courants sont essentiellement de direction sud nord. Les risques inhérents à une traversée clandestine dans des embarcations de fortune surchargées expliquent le nombre important de morts dans le détroit de Gibraltar, ou entre la Tunisie et la Sicile. La rive sud de la Méditerranée (Maroc, Algérie, Tunisie…) sert également d’espace de transit pour les migrants clandestins d’Afrique noire qui essayent d’entrer dans l’espace Schengen.  Les migrants viennent de plus en plus loin (Moyen-Orient, Asie) et veulent trouver un emploi dans l’espace Schengen ou au Royaume-Uni. L’attitude de la population du pays d’accueil va de l’hostilité (surtout en temps de crise) à la compassion.

En 1974, la France a mis un terme à l’immigration de travailleurs. Les flux de travailleurs étrangers sont aujourd’hui essentiellement clandestins. Les pays de la Rive nord inclus dans la zone Schengen renforcent le contrôle sur leurs frontières lorsqu’elles constituent des limites de l’UE (ïle de Lampedusa au sud de l’Italie, Gibraltar, Ceuta, Melilla pour l’Espagne). Les flux migratoires se transforment. Avant les pays du Maghreb constituaient en partie, le champ migratoire privilégié de la France. Aujourd’hui, la France n’est plus la destination exclusive des migrants du Maghreb. De plus des pays qui étaient des foyers de départ deviennent des pays d’accueil. C’est le cas autour de la Méditerranée, de l’Italie et de l’Espagne.

b) Les flux touristiques : un important espace touristique : La méd. reçoit 30% des touristes inter. La Fce reste la première destination touristique au monde. Dans l’espace méd., les principaux pôles sont les suivants : L’Esp. méd. ( 46 millions de touristes/an) , la Fce méd. (17 millions), la Tunisie ( 4 millions) , le Maroc (2.2 millions). Ne pas oublier l’Italie, la Tunisie, l’Égypte, la Grèce, la Turquie et la naissance d’un tourisme vers la Croatie. Le Nord reste dominant. Les flux sont essentiellement nord-nord. Les flux Nord-Sud de la méd. se développent. Il existe égalemt un flux Sud-Sud (tourisme religieux vers La Mecque). La pression touristique pose des pbms pour l’environnement : surexploitation des littoraux et concurrence pour l’eau (ex : Égypte, Tunisie, Maroc).

Le tourisme et ses infrastructures débutent sur le littoral nord, au XIXe siècle par exemple sur la Côte d’Azur avec l’arrivée des Anglais autour de Nice. A partir de la fin des années 1950, l’installation de vedettes provoque l’engouement pour la côte d’azur (« BB », Saint-Tropez), puis les États encouragent la construction de stations balnéaires capables d’accueillir un tourisme de masse (la Grande Motte en Languedoc, Benidorm en Espagne, Rimini en Italie, Djerba). L’arrivée du tourisme a bouleversé les paysages : immeubles de 8/10 étages, ports de plaisance, marinas, uniformisation des offres hôtelières. Aux Baléares, les littoraux faciles d’accès ont été entièrement urbanisés (« baléarisation » : mur de béton) aux dépends des espaces naturels.

c) Les flux commerciaux et financiers : la méd. est un lieu d’échanges importants : par ex, 60 % du pétrole importé en Europe transite par la méditerranée. Il existe d’importants échanges entre le nord et le sud. Chacun des États du sud de la méd réalise 60 % de ses échanges avec l’UE. L’UE absorbe 80 % des exportations des PPM, et 50 à 60% des pays du Moyen-Orient. Mais ces échanges sont dissymétriques: d’abord, dans l’espace méditerranéen, les flux dominant sont des flux N-N. Les flux N-S sont secondaires (les exportations des pays du nord méd. vers le sud représentent 4 % de leur activité commerciale) et les flux S-S ne représentent que 3 à 4 % des échanges dans l’espace méd. Ensuite, les flux produits primaires (hydrocarbures) vont vers le nord, mais les pays de la rive sud importent aussi bcp de produits agricoles et de produits manufacturés. Les investissements de l’UE vers les PSEM, sont relativement faibles. Ils ne représentent que 5 % des IDE de l’UE vers les PPM.

III L’organisation de l’espace méditerranéen.

a) Une faible intégration économique et politique : il n’existe pas d’organisation rassemblant l’ensemble de pays de l’espace méditerranéen. Cpdt, les relations entre l’UE et les PPM (pays Partenaires méditerranéens Pays méditerranéens liés à l’Union européenne par des accords de partenariat et de coopération).s’organisent. En 1995, la conférence de Barcelone, établit les bases d’une zone de libre échange dans la zone méditerranée. Des accords d’association sont signés avec le Maroc, la Tunisie, Israël… Mais l’élaboration d’une « euro-méditerranée », relancée par la France en 2007 (Nicolas Sarkozy, discours de Tanger du 23 octobre 2007)  a été rapidement ajournée en raison de la crise économique mondiale amorcée en 2008 et le « printemps arabe » (2010-2011) qui ouvre une période d’espoir, mais aussi d’incertitude politique dans les pays de la rive sud.

b) Les dynamiques de l’organisation de l’espace méditerranéen : plus de 60% de la population vit à moins de 10 kms de la mer. Une tendance à la métropolisation, processus de concentration des hommes, des activités et des fonctions dans les grandes agglomérations. On distingue, le long du littoral méditerranéen des mégapoles de dimension continentale. Barcelone (5 millions d’habitants), Le Caire (entre 12 et 15millions d’habitants). Les espaces littoraux sont attractifs. Au nord, l’héliotropisme (attraction exercée par les régions ensoleillées) . Au Sud se poursuit un exode rural important dans un contexte d’inégal développement des régions. Donc : double processus de polarisation (domination et attraction exercée par une agglomération)  et d’anisotropie littorale (développement qui s’opère de manière axiale le long du littoral). De plus en plus d’habitants vivent en ville dans le monde méditerranéen. Différents types de réseaux urbains : macrocéphalie importante (Grèce où 1 habitant sur 3 vit dans l’agglomération d’Athènes), bicéphalie (l’Espagne avec Madrid et Barcelone, Italie avec Rome et Milan, Turquieavec Ankara et Istanbul.

c) Une typologie de l’espace méditerranéen: l’Europe méd. et occ. forment le « centre ». L’Arc Latin (France, Italie, Espagne) et la Grèce représentent 85 % du PIB méd. Ce centre a les attributs de la puissance : des métropoles dynamiques (Madrid-Barcelone-Toulouse-Marseille-Lyon-Turin-Gênes-Rome). L’intégration de ces régions dans la mondialisation est effective. Les « périphéries » en voie d’intégration : les pays de l’Est européen bordant la méd. Pour certains ils intègrent actuellement l’UE (Slovénie, Malte, Chypre). Ils connaissent cependant un retard de développement par rapport au reste de l’UE. On peut associer à ces États européens, Israël dont le poids économique, politique et militaire est réel. Les pays du sud de l’espace méditerranéen : souffrent en général d’un retard de développement, même si certains sont dynamisés par des activités comme la production manufacturière de faible VA mais à fort besoin de main-d’œuvre.

Conclusion : L’espace méd. est un lieu d’échanges intenses, mais ils peuvent être dissymétriques comme dans le cas du commerce, des flux migratoires et du tourisme. Cette dissymétrie est d’ailleurs le reflet de fractures existant en particulier dans le domaine du développement entre le nord et le sud de la mer méditerranée. Cependant, on observe à plusieurs reprises que l’opposition nord-sud est parfois réductrice. Une grande diversité caractérise cette région. La rive nord comme la rive sud sont loin d’être uniformes. Avec la création de la CEE puis de l’UE, les pays de la rive sud se retrouvent en situation de périphérie. Enfin, l’espace méditerranéen est un lieu de partenariat mais aussi l’une des régions les plus conflictuelles au monde.